Le 15 décembre 2022, le projet de loi C-32[1], qui prévoit l’instauration du nouveau crédit d’impôt non remboursable de 30 % pour l’exploration de minéraux critiques (CIEMC de 30 %) que le gouvernement du Canada proposait de créer dans le budget 2022[2], a reçu la sanction royale. Dentons a publié il y a quelques mois un billet (en anglais seulement) présentant le CIEMC de 30 % dans son blogue Dentons Mining Law Canada, mais la situation a depuis évolué quelque peu.
- Professionnel qualifié et période de 12 mois
L’avant-projet de loi visant à instaurer le CIEMC de 30 %, que le ministère des Finances du Canada a publié le 9 août 2022, prévoyait qu’un « ingénieur ou géoscientifique qualifié » doit attester que les dépenses d’exploration seront engagées dans le cadre d’un plan d’exploration ciblant principalement des minéraux critiques. Cela signifie que les activités d’exploration doivent viser des gisements minéraux contenant principalement (dans une proportion de plus de 50 %) des minéraux critiques. L’expression « ingénieur ou géoscientifique qualifié » a par la suite été remplacée par « ingénieur ou géoscientifique professionnel qualifié ». Le ministère des Finances du Canada a publié des notes explicatives concernant le changement de libellé, qui vise à « protéger aussi bien les contribuables (qui peuvent investir dans les actions accréditives dans l’attente que leur placement soit admissible au CIEMC) que l’intégrité du régime canadien de l’impôt sur le revenu »[3]. Le nouveau libellé relatif au CIEMC de 30 % a été approuvé.
De plus, la nouvelle loi comprend un changement de libellé par rapport à ce qui était prévu dans le projet de loi, aux termes duquel l’ingénieur ou le géoscientifique qualifié devait attester la dépense minière au plus « 12 mois avant la conclusion de la convention ». La nouvelle loi prévoit que l’ingénieur ou le géoscientifique professionnel qualifié doit produire l’attestation « dans les 12 mois précédant immédiatement la conclusion de la convention [d’actions accréditives (« AA »)] ». Contrairement au projet de loi, qui pouvait amener le contribuable à croire que l’attestation pouvait être obtenue après la conclusion de la convention, le libellé de la loi est clair quant au délai dans lequel l’attestation doit être obtenue.
2. Formulaire prescrit
Selon la nouvelle loi, l’ingénieur ou le géoscientifique professionnel qualifié doit attester que la dépense a été engagée « selon le formulaire prescrit ». Le formulaire en question est le formulaire T100A-CERT[4], que l’Agence du revenu du Canada (ARC) a publié le 12 décembre 2022, lequel doit être joint au formulaire T100A[5].
Les renseignements que l’ingénieur ou le géoscientifique professionnel qualifié doit fournir sont essentiellement les mêmes que ceux que prévoyaient les lignes directrices publiées par l’ARC le 5 octobre 2022[6].
3. Ressources minérales
L’un des aspects du CIEMC de 30 % qui reste à clarifier est la façon dont la définition de « ressource minérale » que l’on trouve dans la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR) du Canada est liée au régime du CIEMC. Nous avons besoin de clarifications pour les raisons suivantes :
i. Pour que l’on renonce à une dépense en faveur d’un investisseur en vertu d’une convention d’actions accréditives, ce qui permet à ce dernier de pouvoir demander le nouveau CIEMC de 30 %, la dépense doit d’abord et avant tout être considérée comme des frais d’exploration au Canada (FEC), au sens attribué à ce terme à l’alinéa 66.1(6)(f) de la LIR, en vertu de laquelle la dépense doit être engagée conformément à un plan d’exploration visant à déterminer l’existence, l’emplacement, l’étendue ou la qualité d’une « ressource minérale » au Canada. Le projet de loi C-32 n’a pas eu pour effet de modifier la définition de FEC pour y inclure la notion de « minéraux critiques ».
ii. De plus, pour qu’une personne qui investit dans des actions accréditives puisse être admissible au CIEMC de 30 %, une société émettrice admissible doit engager des dépenses qui sont admissibles à titre de « dépense minière de minéral critique déterminée» (« DMMCD ») selon le sens donné à cette expression au paragraphe 127(9) de la LIR[7]. Pour qu’une dépense soit admissible à titre de DMMCD, elle doit d’abord et avant tout être admissible à titre de FEC.
Le terme « ressource minérale » est défini au paragraphe 248(1) de la LIR.
Une activité d’exploration qui cible un « minéral critique » ne cible pas automatiquement une « ressource minérale ». À moins qu’un « minéral critique » (i) puisse être considéré comme un gisement de métaux communs ou précieux conformément à l’alinéa a) de la définition de « ressource minérale » que l’on trouve au paragraphe 248(1) de la LIR ou (ii) soit spécifiquement énuméré dans les sous-alinéas (d)(ii) ou (d)(iii) de ladite définition (par exemple, un gisement minéral où le principal minerai extrait est une pierre précieuse ou un diamant), le contribuable devra demander au ministère des Ressources naturelles d’attester que le principal minéral extrait du gisement visé est un minéral industriel contenu dans un gisement non stratifié.
Il semble que la position que l’ARC a adoptée jusqu’à maintenant à l’égard de certains « minéraux critiques » est que ces derniers ne sont pas considérés comme des « ressources minérales », à moins qu’ils ne répondent aux exigences de la définition de « ressources minérales » que l’on trouve au paragraphe 248(1) de la LIR. À cet égard, il semble que certains minéraux critiques, comme le lithium et les éléments des terres rares, ne sont généralement pas considérés comme des gisements de métaux communs ou précieux. Étant donné qu’ils ne sont pas énumérés aux sous-alinéas (d) (ii) ou (d) (iii) de la définition de « ressource minérale » que l’on trouve dans la LIR, le contribuable devra demander au ministère des Ressources naturelles d’attester que le minéral principal (critique) extrait du gisement minier visé est un minéral industriel contenu dans un gisement non stratifié.
À moins que le législateur décide d’apporter des changements à la LIR (par exemple, en élargissant la définition de « ressources naturelles » pour y inclure les « minéraux critiques »), les sociétés d’exploration minière doivent faire preuve de prudence lorsque leurs projets d’exploration ciblent des minéraux critiques.
4. Activités d’exploration « ciblant principalement des minéraux critiques » : Attentes c. réalité
Les sociétés d’exploration minière peuvent se demander si un projet d’exploration minière sera admissible au CIEMC de 30 % si (i) contrairement à ce qui était prévu initialement, le gisement ne contient pas principalement un minéral critique ou (ii) l’ARC adopte la position selon laquelle un projet donné ne respecte pas les critères du CIEMC de 30 %.
Cette préoccupation est valide, notamment parce qu’en vertu de la nouvelle loi instaurant le CIEMC de 30 %, on s’attend à ce qu’une société d’exploration minière puisse prévoir qu’un gisement minéral qu’elle explore contiendra principalement un ou des minéraux critiques, ce qui pourrait ne pas être le cas, mais ce que l’on découvrira seulement à mesure que les travaux d’exploration progressent. De plus, l’ARC peut être imprévisible lorsqu’elle établit une nouvelle cotisation pour un contribuable.
Pour qu’une dépense soit admissible au CIEMC de 30 %, elle doit être engagée dans le cadre d’activités d’exploration minière ciblant principalement des minéraux critiques. D’un point de vue pratique, une société d’exploration minière peut difficilement savoir si un gisement contient principalement des minéraux critiques au moment de la conclusion d’une convention d’actions accréditives.
Toutefois, pour qu’un ingénieur ou qu’un géoscientifique professionnel qualifié puisse produire une attestation, qui est l’une des conditions préalables pour qu’une dépense soit admissible au CIEMC de 30 %, il doit disposer de certaines recherches permettant d’affirmer que le gisement exploré devrait contenir principalement des minéraux critiques. Selon notre interprétation des notes techniques, il semble que, tant que l’attestation est produite en se basant sur des documents pertinents prouvant que le gisement exploré devrait contenir principalement des minéraux critiques, les personnes qui investissent dans les actions accréditives devraient être admissibles au CIEMC de 30 % (pourvu qu’elles respectent toutes les autres exigences pertinentes).
À cet égard :
i. Le nouveau formulaire T100A-CERT contient une section intitulée « Explication de l’attente de l’occurrence des minéraux critiques ciblés », dans laquelle le gouvernement demande de fournir une brève explication de la raison pour laquelle on s’attend à ce que le ou les gisements de minéraux explorés contiennent principalement (c’est-à-dire dans une proportion de plus de 50 %) des minéraux critiques ».
ii. Le sous-alinéa (ii) de la définition de « dépense minière de minéral critique déterminée » que l’on trouve à l’alinéa 127(9)e) de la LIR prévoit également que l’ingénieur ou le géoscientifique professionnel qualifié doit agir raisonnablement, en sa qualité professionnelle, en produisant l’attestation.
iii. De plus, la définition d’« ingénieur ou géoscientifique professionnel qualifié » que l’on trouve au paragraphe 127(9) de la LIR stipule que ce professionnel doit satisfaire certaines exigences en ce qui a trait à la formation, à l’expérience dans le domaine des ressources minérales et à l’expérience pertinente à l’objet du plan d’exploration.
iv. De plus, le nouveau formulaire T100A-CERT oblige la société d’exploration minière à conserver dans ses dossiers et à mettre à la disposition de l’ARC sur demande les documents à l’appui de l’attestation fournie (y compris une description des caractéristiques géologiques du ou des biens). Une société d’exploration minière ne peut pas simplement « deviner » qu’un gisement minéral contiendra principalement des minéraux critiques. Elle doit recueillir et conserver dans ses dossiers des preuves qui soutiennent son hypothèse.
v. Comme nous l’avons mentionné plus haut, les notes explicatives liées au projet de loi publié le 9 août 2022 indiquent que cette condition relative à l’attestation vise à protéger les contribuables et l’intégrité du régime canadien de l’impôt sur le revenu.
vi. Tout ce qui précède démontre que l’ARC fait preuve d’une certaine considération à l’égard de l’opinion du professionnel qualifié.
vii. De plus, selon la définition de « dépense minière de minéral critique déterminée » que l’on trouve au paragraphe 127(9) de la LIR, une activité d’exploration minière doit cibler principalement des minéraux critiques, ce qui implique un certain degré d’incertitude[8], car la condition n’est pas que l’activité d’exploration soit effectuée à l’égard d’un gisement minéral contenant principalement des minéraux critiques. Il serait inapproprié que l’ARC établisse une nouvelle cotisation concernant l’impôt d’un contribuable si elle conclut que le gisement minéral ne contenait pas principalement des minéraux critiques après l’émission des actions accréditives. L’ARC devrait plutôt examiner si, à la lumière de l’attestation de l’ingénieur ou du géoscientifique professionnel qualifié, on pouvait raisonnablement s’attendre à ce que le gisement minéral contienne principalement des minéraux critiques.
Toutefois, si à mesure que les travaux d’exploration progressent, la société d’exploration minière se rend compte que le gisement exploré ne contient pas principalement des minéraux critiques (p. ex., si l’on découvre qu’un minéral non critique comme l’or est le minéral dominant du gisement), le CIEMC de 30 % ne serait plus applicable à l’égard des actions accréditives émises par la suite. Cette interprétation est fondée sur le texte de la nouvelle loi et sur les notes techniques publiées par le ministère des Finances concernant l’avant-projet de loi.
Il est très important de rester à l’affût de tout changement dans la composante principale d’un gisement minier donné, car une personne ne peut pas réclamer le crédit d’impôt pour l’exploration minière (CIEM) de 15 % du gouvernement fédéral (pour les minéraux non critiques) comme option de rechange. Autrement dit, si un investisseur demande le nouveau CIEMC de 30 %, mais que sa demande est rejetée par l’ARC, il ne peut pas demander le CIEM de 15 %.
Pour obtenir de plus amples renseignements sur le CIEMC de 30 % ou sur tout autre point abordé plus haut, veuillez communiquer avec les auteurs de l’article, Emmanuel Sala, Victor Qian et Shereen Cook.
[1] Projet de loi C-32 – Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 3 novembre 2022 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022.
[2] Budget 2022 – Un plan pour faire croître notre économie et rendre la vie plus abordable (budget fédéral), publié par le ministère des Finances du Canada, 7 avril 2022.
[3] Ministère des Finances du Canada, Notes explicatives sur les propositions législatives concernant la Loi de l’impôt sur le revenu et son règlement d’application (Budget 2022 et autres propositions), 9 août 2022.
[4] Formulaire T100A-CERT – Certificat d’un ingénieur ou d’un géoscientifique professionnel qualifié, délivré par l’Agence du revenu du Canada.
[5] Formulaire T100A, Renseignements concernant des actions accréditives – Demande pour un numéro d’identification T100 d’avis d’émission (NITAÉ), émis par l’Agence du revenu du Canada. Ce formulaire doit être déposé dans le cadre d’un financement par actions accréditives.
[6] En date du 5 octobre 2022, le formulaire T100A-CERT n’avait pas encore été publié, malgré le fait que les sociétés émettrices admissibles ont été en mesure de conclure des conventions d’actions accréditives visant des minéraux critiques dès le 7 avril 2022. Dans ses lignes directrices d’octobre 2022, l’ARC a indiqué que, en ce qui concerne l’attestation relative au CIEMC de 30 % faite avant la publication du formulaire prescrit, elle accepterait une lettre signée par l’ingénieur ou le géoscientifique qualifié comprenant des renseignements comme le ou les minéraux critiques ciblés et une brève explication des raisons pour lesquelles on s’attend à ce que le ou les gisements minéraux explorés contiennent principalement (c.-à-d. dans une proportion de plus de 50 %) des minéraux critiques. Le formulaire T100A-CERT reflète essentiellement les renseignements demandés dans les lignes directrices de l’ARC.
[7] Loi concernant les impôts sur le revenu, Lois révisées du Canada, 1985, ch. 1 (5ᵉ Supplément), tel que modifié.
[8] Étant donné qu’il n’est pas certain que le gisement minéral contiendra principalement des minéraux critiques. On peut s’attendre à ce que ce soit le cas, selon des éléments de preuve comme les caractéristiques géologiques d’un bien donné, mais cela n’est pas garanti.