Malgré les nombreux défis mondiaux que la pandémie de COVID-19 a entraînés, le Canada est demeuré un chef de file mondial dans le secteur minier. Plus particulièrement, les mesures incitatives prévues par le régime d’impôt sur le revenu fédéral ainsi que les régimes d’impôt sur le revenu et d’impôt miniers/redevances minières provinciaux sont toujours bien en place.
Le présent bulletin porte sur nos derniers succès en matière de litiges fiscaux dans le secteur minier. Récemment, nous avons contesté avec succès des avis de nouvelle cotisation pour le compte de trois sociétés minières.
Dans deux de ces dossiers, les contribuables ont été cotisés au motif que certaines dépenses qu’ils avaient engagées ne constituaient pas des « frais canadiens d’exploration». De plus, l’Agence du revenu du Québec a considéré que certaines dépenses que les contribuables ont engagées se qualifiaient à titre de « frais généraux canadiens d’exploration et de mise en valeur », une qualification qui prohibe l’admissibilité à la plupart, voire à tous les incitatifs fiscaux fédéraux et provinciaux. Dans le troisième dossier, une partie sans lien de dépendance avec le contribuable a versé une somme importante à ce dernier dans le but de bénéficier de l’option d’acheter une partie de ses avoirs miniers. L’Agence du revenu du Québec a considéré cette somme comme une aide non gouvernementale, réduisant ainsi les dépenses du contribuable admissibles au calcul du crédit d’impôt sur le revenu remboursable relatif aux ressources du Québec, qui s’élève à 38,75 %[1].
Dans le premier dossier, à l’issue d’un long procès, le juge de la Cour du Québec a rendu une décision en faveur du contribuable, une société junior d’exploration minière, relativement à certaines dépenses. En fait, le juge a considéré que le salaire du président du contribuable, ses frais de déplacement pour se rendre sur les sites d’exploration du contribuable, les frais relatifs à une formation de géologie de terrain payée pour un employé, ainsi que certains frais d’équipements qui doivent être remplacés par le contribuable sur une base annuelle sont des dépenses qui ont été encourues par le contribuable dans le but de déterminer l’existence, la localisation, l’étendue ou la qualité d’une ressource minérale au Canada. Par conséquent, ces dépenses respectaient le test d’objet prévu dans la loi et se qualifiaient à titre de « frais canadiens d’exploration ».
Dans sa décision, le juge a pris d’importantes positions au sujet de telles dépenses, dont voici un aperçu.
Pour déterminer si une dépense de salaire se qualifie à titre de « frais généraux canadiens d’exploration et de mise en valeur », la loi prévoit que le salaire est visé par ladite définition, à moins que les fonctions qu’exerce l’employé soient, en totalité ou en quasi-totalité, reliées à des activités d’exploration ou de mise en valeur. En s’appuyant sur la jurisprudence, il a été plaidé que l’expression « en quasi-totalité » ne signifie pas nécessairement 90 % ou plus, ce à quoi le juge a adhéré. Dans sa décision, il déclare que :
« [L]’expression « en quasi-totalité » ou dans sa version anglaise « substantially all » ne se prête pas, pour son application, à l’utilisation d’une simple formule mathématique et elle ne doit pas être interprétée comme correspondant à une proportion donnée d’un ensemble établie de façon arbitraire. Au contraire, cette expression est en quelque sorte « élastique » et le sens devant lui être accordé doit tenir compte des circonstances et du contexte dans lequel elle est appliquée.[2] »
Le juge a tranché que le salaire du président société junior d’exploration minière ne se qualifiait pas à titre de « frais généraux canadiens d’exploration et de mise en valeur » puisque les activités du président étaient en quasi-totalité reliées à des activités d’exploration.
Le juge a par ailleurs souligné que le contribuable « a présenté une preuve prima facie, répondant ainsi à sa charge initiale de démolir les présomptions sur lesquelles le ministre s’était fondé pour établir les cotisations »[3]. Le juge a profité de l’occasion pour rappeler le fardeau qui incombe à l’agence du revenu dans un tel cas. En effet, le juge a précisé que l’agence du revenu « n’a pas réfuté la preuve prima facie et n’a pas ainsi démontré par prépondérance de preuve que les fonctions du [président] n’étaient pas « en totalité ou en quasi-totalité » reliées à des activités d’exploration ou de mise en valeur[4] ».
Dans un autre ordre d’idées, il est intéressant de noter que l’Agence du revenu du Québec a déposé une requête visant à rejeter le dossier deux jours avant le début du procès, une procédure judiciaire que le juge a jugée excessive et abusive. Le juge a ordonné à l’Agence du revenu du Québec de payer les frais juridiques que le contribuable a dû engager en lien avec cette requête.
Dans le second dossier, l’affaire a été réglée en cours de procès entre le contribuable et l’Agence du revenu du Québec. Notre position était que les activités d’exploration d’une société minière s’étendent au-delà de la phase primaire d’exploration et qu’une dépense peut être encourue pour plus d’une fin. Nous avons toujours été d’avis qu’afin qu’une dépense se qualifie à titre de « frais canadiens d’exploration » le test d’objet ne requiert pas que l’exploration soit la fin première ou dominante. De ce fait, un contribuable qui engage des frais à plus d’une fin devrait pouvoir, en principe, les considérer à titre de « frais canadiens d’exploration » lorsque l’une de ces fins est de déterminer l’existence, l’étendue ou la qualité d’une ressource minérale.
Dans le troisième dossier, le département de vérification de l’Agence du revenu du Québec avait établi la nouvelle cotisation en se fondant sur une lettre d’interprétation fiscale couramment utilisée comprenant une analyse juridique à notre avis incomplète[5]. Le département de vérification de l’Agence du revenu du Québec avait considéré à tort que la somme d’argent que le contribuable avait reçue en guise de paiement d’une option était visée par une disposition fiscale générale (catch-all)[6] et, par conséquent, qu’il s’agissait d’une aide non gouvernementale aux fins du crédit d’impôt sur le revenu remboursable relatif aux ressources du Québec, ce qui avait pour effet de réduire les dépenses du contribuable admissibles à ce crédit. Un règlement hors cour a été conclu avec l’Agence du revenu du Québec aux termes duquel la somme reçue par le contribuable pour l’option ne réduisait plus les dépenses admissibles au crédit.
Points à retenir
Ce bulletin présente un bref aperçu de dépenses contestées par l’Agence du revenu du Québec dans certaines situations particulières. Si vous souhaitez obtenir des précisions plus élaborées relativement aux définitions de « frais canadiens d’exploration », de « frais généraux canadiens d’exploration et de mise en valeur » ou d’ « aide non gouvernementale » dans le contexte d’une demande de crédit, d’un financement par actions accréditives ou de tout autre incitatif fiscal, que ce soit au niveau provincial ou fédéral, Emmanuel Sala et Shereen Cook se feront un plaisir de tenir une discussion personnalisée avec vous à cet effet. Tout autre enjeu légal en lien avec la fiscalité minière pourra aussi être abordé.
[1] Article 1029.8.36.170 de la Loi sur les impôts (Québec).
[2] Ressources Eastmain inc. c. Agence du revenu du Québec, 2021 QCCQ 4379, (Eastmain), paragraphes 239 et 240.
[3] Eastmain, paragraphe 271.
[4] Eastmain, paragraphe 281.
[5] Lettre d’interprétation de Revenu Québec 15-0247450991 « Crédit d’impôt remboursable relatif à des ressources minières, pétrolières, gazières ou autres – Société titulaire d’un claim en vertu de la Loi sur les mines – Autre société étrangère œuvrant dans la prospection et l’exploitation minière – Notion d’aide gouvernementale », 28 avril 2015.
[6] Paragraphe 87(1)(w) de la Loi sur les impôts (Québec), disposition similaire au paragraphe 12(1)(x) de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada).